Quinze mois après l’explosion d’une pandémie sans précédent, le monde entier est appelé par certains à se reconstruire différemment par rapport au « monde d’avant ». Il n’est pas un secteur d’activité qui ne communique pas sur l’impact de celle-ci sur son avenir. L’exercice vaut également pour les institutions mondiales et nationales, les collectivités locales et les entreprises.
La pandémie est source de bouleversements : progression dans certains domaines comme la technologie, le mode de travail et la solidarité ;en revanche recul sur d’autres aspects comme l’égalité sociale, la qualité de l’éducation et de la santé. Existe-t-il un lien entre celle-ci et le réchauffement climatique ?
Dans tous les cas, les scientifiques s’accordent sur la nécessité de limiter le réchauffement à 1,5°C. Une étude réalisée le 27 mai par l'Office météorologique britannique pour l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) estime maintenant que ce seuil pourrait être atteint avant 2025. Pour rappel, la dernière décennie a enregistré des températures records : avec une moyenne de 1,25°C au-dessus de la période préindustrielle, 2020 rejoint l’année record de 2016.
Dans ce contexte, la Finance Verte a-t-elle finalement contribué à la prise de conscience du réchauffement de la planète dans sa globalité ?
Économiquement, les investisseurs jouent un rôle de plus en plus essentiel en s’engageant au travers de stratégies favorables à la transition climatique et sociale sur au moins 4 domaines : les systèmes énergétiques (réduction de l’énergie et développement d’énergie à faibles émissions), l’utilisation des terres (privilégier la qualité biologique des sols et la biodiversité), le secteur industriel (efficacité énergétique et réglementations sanitaires et des déchets) et les infrastructures (urbanisme et aménagement du territoire...).
Commercialement, l’impulsion des investisseurs individuels entrants évolue : les Genzennials (moins de 24 ans soit 2,5 Mds personnes) entrent sur le marché du travail. Ceux-ci fondent leurs choix sur l’engagement des marques en matière de durabilité. Ils ne souhaitent pas être propriétaires d’une voiture mais d’une maison et s’appuient sur les réseaux pour obliger les autres générations à s’adapter. Par ailleurs, 9 « Z » sur 10 vivent dans les pays émergents, 25% payent avec leur téléphone et privilégient la qualité « durable » des biens, tout en étant plus conservateurs sur le plan fiscal. Ils posent donc un défi structurel à la progression des actifs gérés : l’importance est croissante sur les investissements ESG pour 90% du groupe ainsi que les dons à des causes sociales (Source The Center for Generational Kinetics, 2019). De fait, selon les données de Morningstar, les flux mondiaux mensuels vers les fonds ESG coïncidant avec la crise sanitaire ont été multipliés par plus de 2, passant de 20 Mds$ au début de 2020 à 50 Mds$ en moyenne depuis le début de l'année.
Notons que si ces points d’inflexion sont différents selon les zones géographiques, l’importance des chantiers réglementaires mis en place par la Commission Européenne (SFDR, Taxonomie, Actes Délégués, CSDR...) afin d’orienter les flux d’investissement sur la Finance Verte devrait contribuer au maintien de la position dominante de l’Europe. Néanmoins, un dernier point doit être relevé : l’application de ces réglementations pourrait voir de nouvelles contraintes juridiques s’appliquer à la Finance Verte et à ses contributeurs (investisseurs et entreprises) si ces derniers ne respectaient pas les textes d’application. Pour la première fois, les tribunaux français ont sanctionné les impacts climatiques négatifs d’une société (Groupe Total) sur la base des effets constatés en « scope 3 » de son activité en France.
En conclusion, de nouveaux défis économiques, géographiques, culturels et réglementaires se présentent à la Finance Verte. La seconde partie de l’année pourrait revenir au défi climatique : un élan de la part de la dernière partie prenante, que sont les États, est attendu lors de la future COP26 de novembre pour montrer la voie vers un système mondial de taxation sur le carbone en vue d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre et une appréciation des vulnérabilités associées aux risques physiques qui sont loin d’être négligeables.
Achevé de rédiger le 7 juin 2021