Du déclenchement de la pandémie de Covid-19 sur le marché de Wuhan en Chine à la guerre en Ukraine et l’encerclement de Kiev, les messages des responsables politiques en Europe en matière de souveraineté convergent vers un objectif clé : réduire la dépendance aux approvisionnements essentiels délocalisés, notamment la santé et l’énergie. Si la pandémie a mis en lumière la nécessité de relocaliser en Europe la fabrication de médicaments et de masques produits en Chine, l’invasion de l’Ukraine soulève l’obligation morale et économique de couper la dépendance aux hydrocarbures russes, dont les exportations représentent la moitié des recettes du budget de ce pays.
Dans cette perspective, la Commission Européenne a publié le 8 mars une ébauche de plan (REPowerEU) visant à rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes, en commençant par le gaz. Selon la Commission, REPowerEU s’inscrit dans un horizon « bien avant 2030, avec réduction des 2/3 des importations de gaz russe d’ici fin 2022 ». La voie proposée n’est pas celle d’un embargo en l’absence d’un consensus européen, certains pays membres étant trop exposés à un risque de blackout énergétique (55% du gaz consommé en Allemagne et 45% en Italie sont importés de Russie).
Le plan Européen REPowerEU est cependant très ambitieux et constitue une accélération par rapport au Fit for 55 (train de mesures proposées en juillet 2021 par la Commission Européenne pour atteindre une baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030). Les deux piliers de REPowerEU sont les suivants :
- Diversifier l’approvisionnement en gaz : il est envisagé une augmentation des importations de GNL (USA, Afrique) et par gazoduc provenant de fournisseurs non russes (Algérie, Norvège) ainsi qu’un accroissement des niveaux de bio méthane et d’hydrogène. À court-terme, la commission encourage un taux de remplissage de 90% des installations de stockage de gaz au 1er octobre chaque année, dès 2022, pour couvrir les besoins en chauffage hivernaux.
- Réduire plus rapidement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles consommés par les habitations, les industries et les systèmes électriques : les mesures consistent à renforcer l’efficacité énergétique (baisse de la consommation) et augmenter la part de l’électricité dans la consommation des énergies (vs. le gaz), conjugué à une hausse accélérée de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique européen. Ainsi, le plan REPowerEU conduirait à mettre en service 20% de capacités renouvelables supplémentaires par rapport aux objectifs de Fit for 55.
Selon la Commission, l’ensemble de ces mesures permettraient de réduire la consommation européenne de gaz d’au-moins l’équivalent de 155 milliards de m3 par an d’ici 2030 (vs. 100 milliards de m3 dans le plan Fit for 55), soit le montant des importations annuelles de gaz russes en Europe, qui seraient ainsi ramenées à 0.
Mais au cours des prochains mois, les gouvernements européens devront également atténuer l’impact très significatif, sur le budget des populations, de la flambée des cours des hydrocarbures, par des mesures exceptionnelles de gel des tarifs et de fiscalités accommodantes. A plus long-terme, le problème restera entier car le retour à une énergie à bas coûts parait improbable.
En outre, les filières de l’hydrogène et du bio méthane n’étant pas mobilisables rapidement, la diversification de l’approvisionnement en gaz reposera probablement, au moins à court-terme, sur une augmentation des importations de GNL produit en partie aux USA, issu d’énergies fossiles non conventionnelles. Ceci conduira à renforcer une chaîne de valeur fortement émettrice de CO2 et destructrice de biodiversité. Le prix environnemental à payer face au choc humain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à l’urgence de restructurer les équilibres de la politique énergétique de l’Europe.
Achevé de rédiger le 10 mars 2022