Entreprises à mission et Raison d’être : 3 ans après la Loi...
Au second semestre 2020, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, première banque à adopter le statut d’entreprise à mission, s’est doté d’une Raison d’être « Ensemble, écouter et agir » en phase avec ses valeurs mutualistes, mettant ses clients au cœur de son action au quotidien. Nous avions en 2020, lors d’un précédent Billet, présenté la qualité de société à mission introduite par la loi Pacte du 22 mai 2019. Celle-ci offrait la possibilité aux entreprises de se doter d’une Raison d’être dans leurs statuts en intégrant la prise en compte des impacts sociaux, sociétaux et environnementaux de leurs activités.
Rappelons que la finalité de la Raison d’être est de réconcilier la recherche de la performance économique avec la contribution au bien commun. La mise en place d’indicateurs fait l’objet d’un suivi par un OTI (Organisme Tiers Indépendant) devant se réunir tous les 2 ou 3 ans, selon la taille de l’entreprise, et par un comité de mission, distinct des organes sociaux et qui comprend au moins un salarié, en charge de l’évaluation des objectifs et de l’adéquation des moyens engagés. L’opposabilité et le contrôle certifient donc la cohérence de l’objet.
3 ans après, où en sommes-nous ?
Le consultant BCG BrightHouse a mené une étude auprès des entreprises françaises : près de 80 % des entreprises du CAC 40 et 60 % de celles du SBF 120, ont adopté une Raison d’être. Il est intéressant de noter que la grande majorité des Raisons d’être aborde les problématiques sociétales pour « un avenir meilleur pour le plus grand nombre » sachant que plus de 50 % intègre des enjeux environnementaux. Concrètement et à titre d’exemple, le programme « Act for Food » du groupe de distribution Carrefour partage la conviction de la nécessité de manger mieux tout en préservant la planète. Son comité de mission composé de sept experts au profil varié (ONG, producteur, chef cuisinier, médecin...) est le témoignage de cette volonté d’engagement et de crédibilité sur le sociétal, au travers du consommateur, et de la planète via les enjeux environnementaux.
En premier lieu, il est à noter que l’objet des Raisons d’être (social et sociétal) est en décalage par rapport aux attentes des citoyens engagés dans la durabilité qui privilégient traditionnellement les enjeux environnementaux de la planète en priorité.
En second lieu, 61 % des collaborateurs de grandes entreprises appréhendent la Raison d’être de leur entreprise comme un outil de communication et de positionnement de la marque, tandis que 73 %, dont l’entreprise n’a pas encore adopté ce statut, souhaitent à ce qu’une Raison d’être soit un guide pour la stratégie et le fonctionnement opérationnel avec une mesure précise de l’impact.
Troisièmement et selon le baromètre IFA ORSE PwC de mars 2022, près de 46 % des administrateurs dont la société a adopté une Raison d’être avouent que celle-ci n’est qu’occasionnellement voire jamais appréciée comme facteur déclenchant une prise de décision du conseil... Le chemin à parcourir pour transformer la Raison d’être en véritable levier de pilotage stratégique et opérationnel semble encore long.
La mesure de l’impact de la Raison d’être prend donc tout son sens pour éviter les risques d’instrumentalisation : la mise en place de nouveaux indicateurs de performance et d’impact, en corrélation avec les objectifs de court et moyen-terme, sont néanmoins apparus dans un certain nombre d’entreprises du CAC 40. La vérification de l’Organisme Tiers Indépendant joue un rôle essentiel ici afin de légitimer le dispositif et la qualité de l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux pour éviter tout « mission washing ».
En complément du comité de mission, l’OTI, qui n’a pas encore de référentiel universel étant donné la jeunesse de ce statut, s’appuie sur le référentiel spécifique de l’entreprise statutaire et opérationnel avec des preuves quantitatives et qualitatives. Il lui revient d’apprécier les moyens, les résultats au regard de l’environnement de l’activité et enfin si la non réalisation des objectifs premiers met en risque l’entreprise sur ses objectifs statutaires : l’avis sera publié sur le site internet de l’entreprise et accessible au moins pendant 5 ans. Il peut faire l’objet de la perte du statut de « société à mission ».
Une conciliation de transparence environnementale et sociétale liée à un objectif de performance financière qui sera structurante pour certains et difficile à atteindre pour d’autres.
Achevé de rédiger le 11 juillet 2022