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Aujourd’hui, un quart de la population mondiale n’a toujours pas accès à l’eau potable et 80 % des eaux usées sont rejetées sans traitement dans la nature : 800 000 personnes en meurent chaque année, de maladies diverses. Les experts mandatés par l’ONU prévoient un déficit de 40 % de l’approvisionnement en eau douce d’ici 2030 : gaspillage, surutilisation dans l'agriculture et l'industrie, contamination, recyclage trop rare, écosystèmes d'eau douce mal préservés... En complément, le réchauffement climatique a également compliqué la réalisation des objectifs établis en 2015 d’accès à l’eau pour tous en 2030 (ODD n° 6).

Les Nations unies ont tenu une conférence sur l’eau du 22 au 24 mars, le premier sommet international depuis près de 50 ans. Le nouveau programme d’actions vise à assurer l’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène pour tous. Dans ce cadre, qu’en est-il du recyclage des eaux usées et peut-il apporter une réponse au stress hydrique ?

Rappelons que la majeure partie des sources de notre eau potable (les deux tiers en France) provient des eaux souterraines (nappes phréatiques), l’autre, des eaux de surface (torrents, rivières, lacs), toutes deux alimentées par les précipitations.

En France, seulement 0,6 % des eaux usées sont recyclées, et leur réutilisation n'est autorisée que pour l’irrigation agricole (éloignée du passage humain), l’arrosage de golfs ou d’espaces verts. Alors qu’en Californie ou à Singapour, les eaux usées sont, une fois nettoyées, mélangées aux eaux « vierges » destinées à la consommation humaine. Si d’autres pays comme l’Australie ou la Namibie parviennent à recycler jusqu’à 4 % de leurs eaux usées, aucun pays en Europe n’a pour l’instant mis de système en place pour une utilisation domestique. Le problème est en partie ici.

Avant d’aborder le traitement des eaux usées, penchons-nous sur le traitement de l’eau naturelle.

D’abord captée dans le milieu naturel, puis traitée, transportée, distribuée et consommée, l’eau est ensuite restituée à la nature pour reprendre son cycle.

Le traitement appliqué dépend de la qualité initiale de l’eau captée : alors que les eaux souterraines, qui ont déjà bénéficié du rôle de filtre du sous-sol, reçoivent un traitement court de filtration et de désinfection, les eaux de surface suivent pour leur part soit un traitement physico-chimique simple avec désinfection par le chlore ou l’ozone, soit un traitement physico-chimique poussé, avec affinage (charbons actifs ou membranes) et désinfection.

Pour rappel, voici le descriptif détaillé des étapes les plus courantes du traitement (source : Cie des eaux).

1) Captage
Captage puis acheminement jusqu’à l’usine de potabilisation.

2) Dégrillage
Passage à travers des grilles pour arrêter les corps flottants et les gros déchets.

3) Tamisage
Filtrage plus fin destiné à arrêter les déchets plus petits, sable, plancton...

4) Floculation-Décantation
Déversage d’un produit coagulant pour regrouper les impuretés en petits paquets (les flocs) et éliminer 90 % des matières en suspension.

5) Filtration
Filtrage des particules en suspension invisibles, mais encore présentes, réalisé sur des matériaux classiques (sable) ou absorbants (charbon actif en grain ou en poudre).

6) Désinfection-Ozonation
Neutralisation de virus et bactéries pathogènes puis injection d’ozone (gaz). Parfois, on utilise les ultraviolets.

7) Traitement spécifique
Absorption sur charbon actif. Traitement d’affinage permettant d’éliminer les matières organiques et améliorant les qualités organoleptiques de l’eau (saveur, odeur, limpidité).

8) Chloration
Ajout d’une infime quantité de chlore pour préserver la qualité de l’eau tout au long de son parcours dans les canalisations pour atteindre les robinets.

9) Stockage
Une fois rendue potable, l’eau est envoyée dans des réservoirs où elle est stockée avant d’être acheminée par un réseau de canalisations souterraines dans les habitations.

Le traitement des eaux usées a pour sa part comme unique but de ne pas polluer le milieu naturel dans lequel elles seront rejetées. Si celles-ci ne sont pas considérées acceptables d’emblée à la consommation, elles finiront donc bien par l’être.

Après les étapes de 1) dégrillage/tamisage et 2) décantation vues précédemment, le processus se déroule comme suit (Source : Meuse Grand Sud) :

3) le traitement biologique par boues activées : la pollution contenue est dissoute par les bactéries et transformée en boues biologiques, gaz carbonique et eau traitée par une alternance de phases d’aération et de repos dans des bassins.

4) la clarification sépare les boues de l'eau qui, dépolluée à plus de 90 %, est ensuite rejetée dans le milieu naturel.

5) le traitement des boues consiste à concentrer la matière organique en filtrant les boues liquides pour obtenir des boues solides plus facilement transportables et stockables.

Source : Meuse Grand Sud

À la problématique d’une pollution croissante s’ajoutent des considérations techniques et économiques.

Il faut noter que pour obtenir une eau potable de qualité constante, les traitements sont de plus en plus coûteux compte tenu d’une pollution accrue :

  • Rejets industriels (produits chimiques), agricoles (déjections animales, pesticides), domestiques (toilettes, détergents, peintures, huiles, hydrocarbures...) ou accidentels.
  • Largage dans la mer d’eaux usées sans traitement en raison de surcharge hydraulique : à titre d’exemple la vétusté du système d’évacuation britannique a été à l’origine de nombreux rejets dans la Manche et la Mer du Nord, jusqu’à 200 par an...

Le développement du recyclage des eaux usées est une solution au stress hydrique suffisamment intéressante pour avoir été retenu dans le Plan d’Action de l’ONU. L’autre avantage en serait la réduction de cette pollution des eaux.

L’imagination dans ce domaine n’a pas de limite : on envisage même le tri des déchets corporels. Alors qu’ils représentent une pollution pour les milieux aquatiques, ils sont une ressource pour les pratiques agricoles. L’azote et le phosphore qu’ils contiennent nourrissent les algues qui prolifèrent au lieu de bénéficier aux plantes agricoles. Cette solution nécessiterait certes des toilettes à collecte séparée, mais la multiplication par trois du prix des engrais azotés y fait réfléchir...

Achevé de rédiger le 28 mars 2023

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