Nous avions évoqué lors d’un billet précédent (billet n° 569 de décembre 2021) les différentes solutions technologiques envisagées pour réduire la hausse des températures sur notre planète. Outre les désormais classiques solutions de captation de carbone, nous avions mentionné la géo‑ingénierie solaire qui elle‑même regroupe tout un ensemble de technologies encore peu testées et aux conséquences réelles sur le climat peu connues.
Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) vient de publier le 28 février un 1er rapport d’experts indépendants sur ces procédés (one_atmosphere.pdf). Ce document, peu médiatisé, présente un état des lieux sur lequel il n’est pas inutile de revenir aujourd’hui.
Quelles sont ces technologies ?
Trois grands procédés se distinguent et dépendent de l’altitude à laquelle ils sont mis en œuvre. Le schéma suivant les détaille :
Qui pour les déployer ?
Dans l’hypothèse où l’une de ces technologies s’avéraient efficaces, le rapport mentionne qu’une des premières questions à régler serait la gouvernance de ce type de projet.
- Quel type d’acteurs pour les mettre en œuvre ? Souverain, Acteur Privé, Émanation des Nations unies (ce qui est aujourd’hui difficilement concevable)...
- Faut‑il un donneur d’ordre mondial (ONU) ?
- Comment gérer les « effets de bord » pouvant affecter négativement un pays, une région (exemple : des particules soufrées qui retomberaient en masse sur une région fortement peuplée) ?
Ce qu’il ne faut pas faire
La start‑up américaine Make Sunset ne s’est pas posée toutes ces questions. En avril 2022, elle a envoyé depuis le Mexique 2 ballons remplis d’hélium et de dioxyde de soufre dans la stratosphère. Les effets de ces tentatives n’ont pas été évalués : aucune mesure post‑lancement n’a été faite, les ballons n’ont pas été géo‑localisés ni même retrouvés.
Or, il s’agit là d’un des points d’attention que mentionne « One Atmosphere », au‑delà de la réussite de ce genre de projet (qui reste à démontrer) : Quels sont les risques climatiques collatéraux ? Quels sont les dommages environnementaux possibles ?
Ces sujets sont d’autant plus importants que pour être concluantes ces technologies doivent, toujours selon le rapport du PNUE, être déployées pendant des décennies et de manière continue, et ne pas être l’objet d’initiatives individuelles comme celle de Make Sunset. Une interruption brutale de leur mise en œuvre pourrait avoir des effets néfastes significatifs sur les écosystèmes.
L’aléa moral
Le rapport pointe une autre limite de l’utilisation de ces technologies.
Compte tenu de leur coût potentiellement limité relativement aux possibilités de financement sur la planète (on parle de quelques dizaines de milliards de dollars par an pour 1 degré Celsius de refroidissement), la géo‑ingénierie solaire pourrait se révéler « économiquement rentable » (au moins à court terme) au point de justifier l’abandon de la réduction enclenchée des émissions de gaz à effet de serre. La nécessaire décarbonation de nos économies serait alors reléguée à après‑demain... sans aucune certitude sur l’efficience à long terme de ces technologies sur le climat de la planète.
Une solution qu’il ne faut pourtant pas rejeter aujourd’hui
Si l’horizon d’une mise en œuvre généralisée de la géo‑ingénierie solaire n’est pas d’actualité pour les scientifiques de « One Atmosphère », il n’est pas pour autant question de renoncer à cette technologie, compte tenu de notre incapacité actuelle à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi, les experts du PNUE préconisent :
- De mettre en place dès aujourd’hui un mode de gouvernance de
l’atmosphère.
Aujourd’hui, seule la convention ENMOD, ratifiée en 1976 par quelques 76 pays, interdit l’utilisation de techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou hostiles. Il est important que toutes les activités humaines touchant l’atmosphère terrestre soient intégrées dans une gouvernance globale (y compris le lancement de satellites, fusées...) - De travailler collectivement à l’élaboration de solutions à grande échelle, sur le plan scientifique comme juridique.
- L’inclusion d’un maximum de pays est souhaitée, en particulier ceux en voie de développement ou situés dans l’hémisphère sud.
Le plaidoyer des rapporteurs du PNUE est de même nature que celui du GIEC ou ce qui a abouti à la signature de l’Accord de Paris : la recherche du consensus.
Le climat est l’affaire de chacun sur la planète, les décisions des uns affecteront la vie des autres.
Achevé de rédiger le 9 mai 2023