Il y a près d’un an, le président Biden présentait la loi Inflation Reduction Act qui constituait le plus ambitieux programme de soutien aux énergies vertes de l’histoire des États‑Unis.
En principe, celui‑ci avait vocation à endiguer l’inflation en réduisant le déficit budgétaire, en abaissant les prix des prescriptions médicales et en investissant dans la production domestique d’énergie verte. En pratique, la préoccupation principale de l’IRA sera la question du réchauffement climatique et l’autosuffisance énergétique.
En effet, ce plan de réforme de grande envergure a prévu d’allouer plus de 400 Mds$ au financement de mesures applicables sur 10 ans et ayant trait à la question de l’énergie et du climat.
Les principaux objectifs étaient de :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 31 % à 44 % par rapport à leur niveau de 2005, d’ici 2030
- Rendre les énergies vertes plus accessibles financièrement pour les ménages et les entreprises américaines
- Renforcer la compétitivité du secteur industriel américain, réduire sa dépendance aux produits d’origine chinoise et russe et limiter l’externalisation de la production
- Réduire le déficit budgétaire américain
- Réduire les coûts des soins médicaux pour les Américains
- Combler les failles de la collecte fiscale.
En réaction, la Commission européenne a élaboré le Green Deal Industrial Plan dans le cadre du Pacte Vert.
Le plan, annoncé en février 2023, visait à fournir un environnement plus favorable à l'augmentation de la capacité de production d’énergies vertes de l'UE, nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de l'Europe. Le plan s’appuyait également sur d‘autres initiatives européennes antérieures telles que la loi européenne sur le climat, le « Fit for 55 » et REpowerUE.
Les objectifs principaux étaient ici de :
- Concurrencer les États‑Unis sur les incitations fiscales à la production
- Renforcer la compétitivité de l’industrie européenne à zéro émission nette en développant des technologies propres en Europe via une capacité de production diversifiée
- Soutenir une transition rapide vers la neutralité climatique pour 2050
- Permettre un accès plus rapide aux financements
- Renforcer les compétences
- Ouvrir les échanges commerciaux pour des chaînes d’approvisionnement résilientes.
Concrètement, l’IRA offrait de nombreux avantages aux entreprises des secteurs dits clean tech (efficacité énergétique, transports et infrastructures, industrie verte et carburants...) pour une allocation de 391 Mds$ sans oublier les ménages, notamment sur le plan médical (dépenses de 108 Mds$).
Face à cette offre, certains estimaient que l’UE devra dépenser 200 Mds€ par an jusqu’en 2030, les fonds disponibles à ce jour étant de 100 Mds€/an jusqu’en 2027 (pompes à chaleur, véhicules électriques, hydrogène vert, batteries et énergies renouvelables) ...
Mais surtout, la forme de redistribution des fonds différait : 216 Mds$ de crédits d’impôt pour les entreprises dans le cadre d’investissements verts et 43 Mds$ pour les ménages (crédit d’impôt sur rénovations énergétiques des résidences principales et achat de véhicules électriques) face à 300 Mds€ de subventions et de prêts pour le GDIP(fonds souverain européen).
En termes de financement, si la Commission européenne n’a pas publié de plan détaillé, plusieurs fonds européens (RePower UE, Recovery Resilience Fund, Innovation Fund...) devraient permettre de couvrir les besoins jusqu’en 2026.
En revanche, l’IRA prévoit de collecter sur une période de 10 ans 457 Mds$ via un taux d’imposition minimal effectif de 15 %, pour les entreprises générant plus de 1 Md$ de bénéfices annuels, ou encore le renforcement du contrôle fiscal et autres taxes ainsi que 281 Mds$ d’économies sur le plan médical... Ainsi, l’IRA s’appuie principalement sur les incitations fiscales tout en cherchant à agir aussi bien sur les mécanismes de l’offre que sur ceux de la demande. Le GDIP cherche à faciliter l’accès au financement pour les entreprises.
En termes économiques, l’impact effectif de l’IRA sur la réduction de l’inflation, comme le suggère son nom officiel, n’est pas encore avéré et fait toujours l’objet de nombreux débats. Des laboratoires d’idées américains pensent que contrairement aux attentes, le programme provoquera une augmentation des coûts énergétiques pour les ménages américains, en stimulant la demande en énergie verte. En effet, l’objectif est que les investissements dans l’énergie verte créent davantage d’emplois dans le secteur des énergies, et par conséquent, redynamisent l’offre.
Une ambition similaire est notée du côté européen : 35 à 40 % des emplois seront affectés par la transition, cependant, il y aura de nouvelles opportunités d’emplois avec également le développement de nouvelles compétences pour les emplois actuels...
Enfin, si le caractère protectionniste de l’IRA provoque des tensions diplomatiques (notamment avec l’UE et la Chine), du côté européen, des disparités entre États membres surgissent sur le Green Deal comme réponse à l’IRA américain (faiblesse du montant des aides financières prévues par rapport aux investissements annuels nécessaires).
En conclusion, L’IRA et le Green Deal adoptent une approche et des mesures différentes pour traiter la question du réchauffement climatique et de la transition énergétique. Le plan américain s’appuie principalement sur des incitations fiscales et vise l’ensemble de la chaîne de valeur, agissant aussi bien sur les mécanismes de l’offre (matières premières, infrastructures de production...) que sur ceux de la demande. Parallèlement, le programme européen se concentre davantage sur les entreprises et cherche à leur faciliter l’accès au financement. Toutefois, au‑delà de leur statut de lois environnementales, ce sont, avant tout, deux programmes industriels de grande envergure qui ont pour objectif principal de promouvoir les capacités de production locales d’énergies vertes afin de réduire la dépendance excessive envers la Chine (80 % des capacités mondiales dans l’énergie photovoltaïque, éolienne et les batteries).
Espérons que ces objectifs économiques abordent réellement les objectifs de transition climatique au sens scientifique, en donnant par exemple un nouvel élan au recyclage pour réduire la consommation des ressources et au développement de nouvelles technologies afin de réduire l’intensité des émissions de carbone...
Achevé de rédiger le 20 juillet 2023