Le constat d’une consommation foncière non soutenable
De tout temps, la croissance de la population humaine s’est accompagnée d’un élargissement de son emprise foncière. Si au total, le CEREMA1 estime à un peu moins de 10 % la part du territoire métropolitain urbanisé2, les changements socio‑économiques qui caractérisent notre société ont contribué à une accélération de la pression foncière au cours des dernières décennies (familles monoparentales, périurbanisation...).
Dans une note de juillet 20193, France Stratégie indiquait ainsi que les terres artificialisées avaient augmenté de 70 % en France depuis 1981 quand la population n’avait crû que de 19 %. Or, cette consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers (ENAF) a un coût en termes de dégradation du fonctionnement des écosystèmes et d’érosion de la biodiversité.
Consciente des effets néfastes de l’étalement urbain, la Commission européenne s’est fixée, dès 2011, comme feuille de route, de mettre un terme à toute augmentation nette de la surface de terre occupée d’ici 2050. En France, la convention citoyenne pour la transition écologique qui s’est tenue d’octobre 2019 à juin 2020, a débouché sur un ensemble de préconisations, qui se sont cristallisées dans la loi Climat et Résilience de 2021. Celle‑ci prévoit entre autres :
- La réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) d’ici 2030 par rapport à la décennie 2011‑2021 durant laquelle 243 136 hectares ont été consommés, soit environ 23 fois la superficie de Paris
- Un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050, c’est‑à‑dire que tout espace artificialisé à l’échelle d’un plan de planification et d’urbanisme sur une période donnée devra donner lieu à compensation sous la forme d’un espace équivalent rendu à la nature.
L’artificialisation des sols, une notion aux contours encore flous
En l’absence de consensus sur la notion d’artificialisation des sols, la loi Climat et Résilience la définit comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol... ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».
Si les sols rendent un ensemble de services écosystémiques (cf. infographie ci‑dessus), la loi Climat et Résilience se focalise sur 4 d’entre eux pour déterminer leur caractère altéré, ou non.
- Le potentiel agronomique : alors que les terres arables ne représentent qu’environ 3 % de la surface du globe, la réduction de la surface de terre cultivable se traduit par une perte de potentiel de production alimentaire.
- Les fonctions biologiques : les sols abritent près de 25 % de la biodiversité connue pour laquelle ils constituent un réservoir. En faisant disparaître ou simplement en fragilisant l’habitat d‘espèces animale ou végétale, l’artificialisation des sols contribue à l’accélération de la perte de biodiversité.
- Les fonctions hydriques : le sol est un maillon essentiel du cycle de l’eau qu’il absorbe puis filtre. Un sol imperméabilisé n’absorbe plus l’eau de pluie et au contraire amplifie les phénomènes de ruissellement.
- Les fonctions climatiques : les sols stockent, sous forme organique, 2 fois plus de carbone que l’atmosphère. Plus un sol est artificialisé, moins il est en mesure d’absorber de CO2. Par ailleurs, un sol artificialisé contribue à la constitution d’îlots de chaleur.
De façon plus concrète, si la loi rapproche le concept de sols artificialisés de celui de sols imperméabilisés, leur destination et le caractère temporaire, ou non, de leur artificialisation entrent également en compte. Ainsi, si les espaces verts urbains ne sont pas intégrés aux surfaces artificialisées, ceux attenants à des résidences, des bureaux et des infrastructures le sont. Du fait de sa destination, un golf ou une pelouse de sport seront considérés comme artificialisés. À l’inverse, les carrières, qui, en France, doivent être remises en état au terme de leur exploitation, restent considérées comme des surfaces non artificialisées. En l’absence de consensus sur la nomenclature actuelle, qui doit servir de base au suivi de l’objectif de ZAN, il est probable qu’elle fasse l’objet d’une révision.
Les leviers pour atteindre la ZAN
Les leviers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette reposent sur deux principaux axes d’évitement et un axe de compensation destiné à ne pas brider les besoins d’aménagement du territoire ni leur développement économique :
- Le recyclage urbain. Tout comme le recyclage des matériaux permet d’économiser les ressources naturelles, le recyclage urbain permet d’économiser le foncier. Il prend essentiellement 2 formes, la réoccupation des logements vacants, estimés à un peu plus de 8 % par l’INSEE en 2022 (hors résidences secondaires et logements occasionnels dont le stock est estimé à 10 % du parc de logements), et le recyclage des friches industrielles. La réaffectation de bureaux vacants à usage d’habitation rentre dans cette même logique.
- La densification urbaine. La densification, qu’elle soit horizontale (élévation du bâti) ou verticale (division parcellaire), participe également à l’objectif de réduction de l’étalement urbain. Afin que celle‑ci soit acceptable et ne participe pas à une dégradation de la qualité de vie, elle doit se doubler d’une démarche qualitative parallèle.
- La compensation. L’objectif de ZAN permet que sur une période donnée, les surfaces artificialisées à l’échelle d’un territoire de planification soient compensées par des surfaces équivalentes rendues à la nature. Cette renaturation se définit comme une action « de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé ».
Des premiers signaux encourageants
Si la démarche du ZAN ne pourra s’appliquer complétement qu’après la révision des documents locaux d’urbanisme, dont une loi datant de juillet 2023 vient de repousser l’échéance à novembre 2024 pour les régions, février 2027 pour les territoires et février 2028 pour les communes, les chiffres les plus récents (jusqu’au 01/01/2022) mettent en évidence une inflexion du rythme de consommation d’ENAF pour un même niveau de construction.
Achevé de rédiger le 17 octobre 2023