Airbus anticipe une croissance du nombre de passagers transportés par avion de 3,6% par an en moyenne jusqu'en 2050 soit un doublement. En 2022 l'aviation mondiale représente déjà près de 2% des émissions mondiales de GES (gaz à effet de serre)(source IEA) soit 800 Mt CO 2. En l'absence de mesures d'atténuation, celles ci pourraient être multipliées par deux au cours des trois prochaines décennies, après avoir doublé au cours des trois « dernières »
Il y a 3 leviers d'actions pour réduire les émissions de l'aviation : réduire la consommation de la flotte existante (impact mesuré par IATA à 3%), capturer/compenser le carbone émis (19%) ou changer de carburant (65%) La première solution s'est avérée insuffisante (-1,8%/an de consommation de fuel par passager depuis 2010) malgré les nombreuses innovations. Ceci compte tenu du lent rythme de renouvellement de la flotte, un avion ayant une durée de vie moyenne de 30 ans. IATA a pour objectif de remplacer le carburant acutel par 78% de carburants alternatifs d'ici 2050. Les carburants alternatifs sont appelés les « SAF » pour Sustainable Aviation Fuel.
À horizon 2050 les SAF pourraient représenter 65 des évitements d'émissions Carbone :
Le SAF peut être mélangé au kérosène conventionnel jusqu'à hauteur de 50%, sans rien changer au fonctionnement d'un avion civil actuellement commercialisé, ni même les infrastructures liées. Il a déjà été utilisé dans plus de 490 000 vols depuis 2008. C'est actuellement la seule technologie disponible. Ceci alors que des technologies concurrentes tels que l'hydrogène ou les batteries électriques prendront soit plus de place soit pèseront plus lourd :
Les SAF sont un terme générique pour les carburants provenant de sources non pétrolières, qui incluent :
- les biocarburants produits à partir de cultures (maïs et soja). La production à grande échelle de ces céréales peut nécessiter l'extension des terres cultivées, ce qui risque de détruire les forêts et les prairies menaçant la sécurité alimentaire et la biodiversité. Aussi, des garde-fous doivent être mis en place pour limiter l'impact de ces cultures. Dans l'Union européenne, les biocarburants à base d'aliments sont interdits.
- les biocarburants produits à partir de déchets (huiles de cuisson usagées, résidus agricoles)
- les carburants synthétiques produits à partir d'énergies renouvelables
Cependant, le premier obstacle à l’utilisation du SAF est sa disponibilité : l'industrie a consommé 292 Mds de litres de carburant en 2022 dont seulement 0,2% de SAF. Soit une production de 300 M de litres alors qu'il en faudra 450 Mds en 2050. Plus de 51 milliards de litres d'accords d’engagement d'achats de production (mais sans engagement sur le prix !) ont été annoncés entre les compagnies aériennes et les producteurs de SAF, mais ceux-ci n'ont pas une valeur suffisante, car sans engagement sur un prix, ils ne permettent pas aux producteurs de SAF de décrocher des prêts pour financer les constructions de raffinerie. Ainsi, les projets actuellement en construction ne permettraient d'atteindre la production que d'une douzaine de milliards de litres.
Le deuxième obstacle est son coût.
Aux États-Unis, l'IRA Roapmap estime que l'objectif de 2030 en matière de SAF pourrait coûter 30 milliards de dollars (10$/gal) et que celui de 2050 nécessiterait des « centaines de milliards de dollars », avec la construction de plus de 400 bioraffineries. En Europe, parvenir aux objectifs fixés par la Commission impliquerait la construction de 100&nbs*raffineries dédiées contre 7 existantes.
Actuellement, le SAF coûte environ 2 à 5 fois plus cher que le kérosène conventionnel. Alors que le carburant représente déjà 20 à 30% des coûts d'exploitation des compagnies aériennes. L'International Council on Clean Transportation (ICCT) a estimé que la production de biocarburant serait d'environ 1,5x plus onéreuse en Europe vs. les États-Unis du fait de la différence de prix de l'électricité renouvelable (Hydrogène à USD4.3 per kg aux US versus USD6.4 per kg en EU en 2020).
Et que font les gouvernements ?
L'UE a mis en place une exigence de mélange de SAF de 2% d'ici 2025, qui passera progressivement à 63% d'ici 2050. Elle s'est engagée à financer et à faciliter les projets permettant d'atteindre ces objectifs. Afin de limiter l'impact sur la biodiversité et la disponibilité de la nourriture, elle a néanmoins restreint l'utilisation de certaines matières premières.
Aux États-Unis, l'administration Biden a fait du SAF une priorité pour aider à décarboniser le secteur de l'aviation et vise à produire 3 milliards et 35 milliards de gallons de SAF d'ici à 2030 et 2050, respectivement, contre moins de 20 millions de gallons produits aux États-Unis en 2022 (moins de 0,01% de l'énergie consommée par les avions à réaction américains). L'Inflation Reduction Act accorde un crédit d'impôt aux compagnies aériennes qui mélangent des SAF à du kérosène conventionnel : le SAF Blenders Tax Credit (1,25 $-1,75 $/gal) et le Clean Fuel Production Credit à condition que le SAF permette de réduire d'au moins 50% les émissions par rapport au kérosène d'origine fossile.
Et que font les compagnies aériennes ?
Officiellement, via IATA, les compagnies aériennes soutiennent avec force le développement des SAF afin de respecter les engagements de net-zéro émissions à horizon 2050 sur lesquels l'industrie s'est engagée. Mais avec leur structure financière fragilisée par la crise (140 Mds$ de pertes en 2020), elles investissent surtout dans le renouvellement de leur flotte qui permet des économies d'exploitation (et de carburant) plutôt que dans des engagements fermes d'achats de SAF.
Et que font les passagers toujours plus nombreux ??
Élodie Chrzanowski
Analyste ESG/Crédit
Achevé de rédiger le 25 janvier 2024