La possible désynchronisation des politiques monétaires américaines et européennes est un signal fort. En effet, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait baisser ses taux avant la Réserve fédérale américaine (FED), dès juin.
L’inflation américaine reste tenace, l’indice des prix à la consommation (CPI) s’établit à + 3,5 % en mars vs. + 3,2 % en février (deuxième mois consécutif de hausse) et incite les États‑Unis à conserver des taux élevés plus longtemps.
En début d’année, les investisseurs anticipaient six baisses de taux à venir pour 2024 de l’autre côté de l’Atlantique, alors qu’aujourd’hui, le scénario de base n’en prévoit plus que deux. Les attentes des investisseurs s’orientent en faveur d’un scénario de « soft landing », écartant les craintes d’une récession aux États‑Unis, en raison d’une activité économique solide. En effet, les prévisions de croissance économique ont été revues à la hausse, tablant sur une croissance à + 2,7 % en 2024 (source FMI).
Toutefois, cet optimisme contraste avec les attentes de la Réserve fédérale américaine, qui maintient le cap des trois baisses de taux cette année, mais retarde son action tant que l’inflation n’est pas clairement maîtrisée et revenue sur sa cible (autour de 2 %). Divers gouverneurs ont exprimé l’opinion selon laquelle la FED ne devrait pas réduire les taux avant la fin de l’année, à l’instar de Raphael Bostic (FED d’Atlanta). Elle pourrait même procéder à une hausse, selon les commentaires de John Williams (FED de New York).
En Europe, le contexte macroéconomique reste moins dynamique, avec des perspectives de croissance revues à la baisse en zone euro, passant à + 0,8 % pour l’année 2024, contre + 0,9 % précédemment prévu par le FMI. La désinflation se poursuit, avec un CPI en glissement annuel à + 2,4 %, en comparaison des + 2,6 % de février. Du côté de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde a souligné que son action restait dépendante des données économiques, mais qu’elle ne se conformait pas nécessairement aux décisions de la FED, ouvrant la voie d’une divergence de politique monétaire et la possibilité d’une baisse dès juin.
Dans ce contexte, notre scénario central a légèrement évolué en faveur d’un découplage des politiques monétaires qui accompagne une croissance mondiale modérée. Les États‑Unis se portent mieux que prévu, avec un marché de l’emploi en plein essor et une consommation très résiliente, malgré des taux d’intérêt et un prix du pétrole en hausse. L’inflation américaine devrait se stabiliser autour des 3 %, ce qui justifie une éventuelle baisse des taux en seconde partie d’année. En revanche, nous continuons de surveiller de près les tensions géopolitiques et le risque d’escalade, qui pourraient influencer directement le prix des matières premières (pétrole, cuivre, etc.).
En portefeuille, nous adoptons un positionnement plus neutre sur les actions en privilégiant les États‑Unis à l’Europe, et restons positifs sur les actifs refuges que sont l’or (les aurifères) et le dollar. En revanche, nous sous‑pondérons les actifs émergents. Dans le sillage des publications de résultats des entreprises, nous maintenons le cap sur les valeurs de qualité à forte visibilité.
La remontée rapide des rendements obligataires nous semble valoriser cette désynchronisation. Le différentiel de taux d’intérêt à 10 ans américain vs. européen s’est fortement écarté, revenant sur les points hauts d’octobre 2023 (+ 218 points de base), ce qui nous semble attractif à moyen terme. Au global, nous restons neutres sur la sensibilité obligataire, mais favorisons les stratégies crédit.
Achevé de rédiger le 24 avril 2024