Depuis le début de l’année, les marchés obligataires internationaux ont été très volatils sous l’effet de la persistance d’une l’inflation élevée, de la résilience de l’économie mondiale puis, en raison du mouvement de fuite vers les valeurs refuges provoqué par les turbulences bancaires aux Etats-Unis et en Europe.
Dans ce contexte, l’indice J.P. Morgan EMBI Global Diversified Composite affiche, entre le 30 décembre 2022 et le 31 mai 2023, une performance de +1,82% versus +2,35% (Source : Bloomberg) pour les emprunts d’Etats américains. Bien que la performance de la dette émergente libellée en dollar soit relativement modeste par rapport à d’autres classes d’actifs risqués, il convient de souligner sa résilience lors des faillites de banques régionales américaines.
Nous restons constructifs sur les obligations émergentes pour trois principales raisons :
- Les primes de risques sont globalement généreuses (477 bp versus 370 bp pour la moyenne historique 10 ans) mais reflètent les risques associés à cet investissement ainsi que les défis à relever par de nombreux pays émergents (dépendance aux énergies fossiles, infrastructures insuffisantes, problèmes de gouvernance, augmentation de la dette post-Covid).
- Sur la courbe des taux américaine, nous pensons que l’essentiel du mouvement de hausse des taux est terminé et nous adoptons un biais positif sur la duration. Compte tenu du niveau d’inversion de la courbe (-76 bp entre les taux 2 ans et 10 ans), nous mettons en place des stratégies satellites de pentification.
- En Chine, les mesures accommodantes des autorités monétaires et l’abandon de la politique 0-Covid devraient continuer de favoriser les pays émergents exportateurs nets de matières premières même si les publications macroéconomiques chinoises récentes montrent un essoufflement de la dynamique économique.
En termes d’allocation géographique, nous sommes prudemment investis, voire à l’écart, sur les pays émergents présentant un profil économique ou financier trop fragile, particulièrement les pays qui ont une dette extérieure élevée, dans un contexte durable de taux d’intérêt américains plus élevés, et sur ceux dont les perspectives de croissance sont faibles.
Nous discriminons également les pays émergents selon deux critères économiques : exportateurs ou importateurs nets de matières premières énergétiques et agricoles, stock de dettes et d’actifs extérieurs. Nous privilégions les pays émergents exportateurs nets de matières premières et ceux qui sont créditeurs extérieurs nets.
Nous sommes, par ailleurs, très attentifs au risque politique qui caractérise certains pays émergents comme la Chine (risque de conflit avec Taïwan, sanctions économiques américaines, risque de troubles sociaux), le Brésil (instabilité politique), l’Arabie Saoudite (rapprochement avec la Russie), Israël (arrivée d’extrémistes au gouvernement, risque de conflit avec l’Iran).
Le filtrage de l’univers d’investissement par notre pôle d’analyse de Finance Responsable et Durable est également prépondérant dans nos choix d’allocations stratégiques.
Lors de l’implémentation des portefeuilles ayant une poche émergente, ces différents filtres nous amènent actuellement à sous-pondérer, voire à faire des impasses, sur de grands pays émergents notamment, l’Egypte, la Chine, l’Inde, le Pakistan et le Sri Lanka malgré leurs pondérations élevées dans les benchmarks.
Au global, nous considérons que les facteurs techniques sont favorables. D’une part, la remontée des taux américains est en très grande partie opérée et, d’autre part, le niveau des spreads des souverains émergents est attractif. A court terme, la fragmentation géoéconomique offre des opportunités aux exportateurs de matières premières et aux pays les mieux positionnés sur les chaînes de valeur mondiale. Ces éléments devraient soutenir les flux en faveur de la classe d’actifs ainsi que sa valorisation.
Olivier SAYAC, gérant de portefeuilles
Achevé de rédiger le 31 mai 2023