Au 31 août 2021, la dette émergente libellée en devises dures affiche une performance proche de +50% sur 10 ans glissants. Cette performance est très supérieure à celle des obligations souveraines internationales hors obligations émergentes et de grade d’investissement (+38%). Elle est globalement liée à l’attractivité des pays émergents en termes de perspectives de croissance et des facteurs techniques favorables : taux d’intérêt bas dans les pays avancés, primes de risque relativement attrayantes, crédibilité accrue des politiques monétaires des principaux pays émergents, meilleur calibrage du soutien des institutions internationales, etc.
En 2020, à l’instar des autres segments obligataires considérés risqués, les segments high yield (+2,76%) et convertibles (+6,06%), les dettes émergentes libellées en devises dures ont été résilientes et ont affiché une performance positive (+3,50%). Cette année, après un premier trimestre particulièrement affecté par la remontée des taux américains, les obligations souveraines émergentes en devises dures ont retracé la totalité de leur baisse (jusqu’à -5,4% le 8 mars) pour afficher, au 31 août, une performance positive de +0,13% depuis le début de l’année.
La résilience de la classe d’actifs est principalement imputable aux actions des banques centrales du monde entier qui, depuis le début de la crise sanitaire, ont inondé de liquidités les marchés financiers. Et, pour la première fois depuis de nombreuses années, certaines banques centrales émergentes ont également eu recours à l’assouplissement quantitatif et à des politiques monétaires non conventionnelles. En conséquence, la demande de dette émergente, en particulier d’obligations souveraines en devises fortes, a été très soutenue dans un monde où les marchés obligataires développés restent dans un environnement de taux bas.
Les banques centrales devraient toutefois procéder à un resserrement de leur politique monétaire. Si, comme nous l’anticipons, ce resserrement est progressif, il ne devrait pas trop diminuer les flux de liquidités vers les actifs à haut rendement tels que la dette émergente, notamment en raison de sa capacité à offrir une véritable diversification dans le cadre d’une allocation de portefeuille équilibrée.
Nous restons structurellement positifs sur les dettes émergentes dont le profil rendement-risque reste intéressant par rapport aux actifs obligataires des principales économies avancées. Malgré les défis auxquels les pays émergents doivent continuer à faire face (le vieillissement démographique qui se profile, la dépendance aux énergies fossiles, l’insuffisance des infrastructures ou encore les problèmes de gouvernance), leurs perspectives économiques restent, selon nous, très prometteuses à moyen terme. La dette des pays émergents ne constitue cependant pas une classe d’actifs homogène et, une sélectivité accrue s’impose dans les choix d’allocation. En revanche, depuis plusieurs semaines, nous sommes passés tactiquement neutres à sous-exposés sur la classe d’actifs.
Quelles en sont les raisons et comment l’implémentons-nous dans notre allocation en termes de sensibilité et d’exposition géographique ?
Rappelons que la valorisation de la classe d’actifs dépend essentiellement de deux facteurs, l’un exogène, le niveau des taux longs américains et l’autre endogène, les perspectives de croissance de l’économie chinoise.
Nous constatons que la reprise de l’activité économique dans les pays avancés est jugée suffisamment solide pour inciter la Fed et la BCE à réduire progressivement leur soutien monétaire. Nous notons également que les pressions inflationnistes - même si elles sont probablement transitoires - sont actuellement intenses, en raison de la demande accrue de matières premières et des ruptures d’approvisionnement de matériaux et de composants, notamment de semi-conducteurs.
Dans ces conditions, nous anticipons, dans les mois à venir, une hausse modérée des taux d’intérêt américains, ce qui ne manquera pas d’affecter la valorisation des dettes émergentes en devises dures principalement émises en dollars.
Nous observons également que l’activité de l’économie chinoise est pénalisée par le variant Delta, les difficultés d’approvisionnement et la régulation. Les dernières statistiques alimentent les craintes des investisseurs quant à la dynamique de la croissance mondiale en confirmant que celle de la Chine a clairement marqué le pas durant l’été du fait de la résurgence de l’épidémie, des difficultés d’approvisionnement et des pénuries, ainsi que des décisions gouvernementales sur la réglementation et le climat. Les marchés financiers de la zone Asie sont d’ailleurs particulièrement volatils depuis plusieurs jours en raison d’un rapport suggérant aux autorités chinoises d’étendre les mesures réglementaires au secteur immobilier tandis que les craintes liées à la soutenabilité de la dette du géant du secteur, China Evergrande Group, restent fortes.
C’est le contexte chinois et ses répercussions sur l’ensemble du monde émergent et, plus particulièrement, sur la région asiatique qui nous incite à adopter tactiquement une allocation prudente en termes de sensibilité et d’exposition géographique.
Notre allocation cible fait ainsi ressortir une sensibilité très en-deçà de celle de l’univers d’investissement. Elle est principalement construite sur les pays du Golfe et l’Asie, en raison du contexte chinois et, dans une moindre mesure, l’Amérique latine, toujours vulnérable aux pressions inflationnistes. La sous-exposition sur la zone Afrique, très performante depuis le début de l’année, est structurellement conservée. En revanche, nous restons constructifs sur l’Europe émergente qui bénéficie toujours, de manière indirecte, des mesures budgétaires et monétaires de la zone euro.
A court terme, il est donc probable que les investisseurs commenceront à s’interroger sur la capacité de certains pays à maîtriser à nouveau leur dette publique qui a fortement augmenté en 2020 et la soutenabilité de la politique monétaire. L’attention se portera alors sur les pays considérés comme étant les plus fragiles et structurellement dépendants des financements extérieurs.
Nous gardons cependant à l’esprit que la valorisation de la classe d’actifs est loin d’être excessive. Depuis plusieurs mois, la prime de risque des souverains émergents se traite à des niveaux qui sont proches de la moyenne historique à 10 ans (348 bp). Couplée à une courbe de taux américaine qui redevient attractive, le niveau des spreads devrait soutenir les flux dans un environnement où les taux sans risque restent faméliques.
Achevé de rédiger le 21 septembre 2021