Quels sont les principaux éléments à surveiller pour les marchés de taux à la rentrée ?
L’évolution de la propagation du variant delta, les mesures de restriction en fonction des pays et leur impact sur la poursuite de la reprise économique globale restent des éléments à surveiller de près. Ces incertitudes continuent d’exercer une pression baissière sur les taux longs européens et américains.
En ce qui concerne le plan de relance budgétaire américain, les négociations avancent, avec un vote rapide du plan de 1 000 MM$, mais les étapes à franchir restent nombreuses, notamment pour le second volet de 3 500 MM$.
L’autre élément très scruté par les investisseurs obligataires est évidemment l’annonce par la FED du moment où elle démarrera la réduction de son programme d’achats d’actifs, le fameux « Tapering ». D’après les dernières déclarations de la FED, cela pourrait démarrer avant la fin de l’année 2021. Cette réduction d’achats devrait cependant se faire de manière graduelle et échelonnée sur une durée de 6 à 9 mois. En revanche, la FED ne commencera pas pour autant à réduire la taille de son bilan, elle arrêtera simplement de le faire grossir. Autrement dit, elle réduira progressivement ses achats mensuels de titres d’états et titres hypothécaires américains (qu’elle achète jusqu’à présent pour un montant total de 120 mds $ par mois) mais continuera probablement à réinvestir les montants des titres arrivant à échéance (de sorte à arriver à une stabilisation de la taille de son bilan d’ici le second semestre 2022).
Nous pensons que les marchés de taux intègrent aujourd’hui le scénario d’un tapering au quatrième trimestre. D’une part parce que les taux américains ont peu réagi suite aux dernières déclarations de M. Powell (le taux 10 ans US s’établissant toujours à 1.32%, près de 0.50% plus bas que le pic vu au premier semestre 2021). D’autre part, l’indicateur de la prime de terme (c’est-à-dire l’écart de rendement offert par des obligations de maturités longues par rapport à des obligations de maturités courtes), reste sur des niveaux élevés par rapport à l’année dernière.
En revanche si la FED était amenée à démarrer son tapering plus tôt (par exemple dès le T3 2021) ou de manière moins étalée dans le temps (par exemple une réduction des achats sur 3 à 6 mois uniquement), cela pourrait exercer une pression haussière sur les taux. A noter également qu’à ce stade la FED ne prévoit pas de commencer à relever ses taux FED Funds avant fin 2022, voire 2023 au plus tôt. Une anticipation de son calendrier de cycle haussier taux pourrait donc là aussi exercer des pressions haussières sur les taux longs. Cela n’est toutefois pas notre scénario central actuellement.
La politique monétaire de la BCE reste pour sa part encore très accommodante. Nous pensons qu’elle continuera ses achats d’actifs dans le cadre de son programme d’achat pandémique (PEPP) jusqu’à fin mars 2022. Nous anticipons qu’elle pourrait cependant ralentir le rythme de ses achats (actuellement de 80 mds € d’achats mensuels en moyenne) dans les prochains temps. A noter par ailleurs qu’elle ne communique pas à ce jour sur une hausse de ses taux directeurs à horizon visible.
De fait, les taux longs européens seront de notre point de vue davantage guidés par l’évolution des taux américains que par des changements de politique monétaire européenne dans les prochains mois.
Faut-il par ailleurs s’inquiéter d’une flambée de l’inflation ?
Nous ne voyons pas de risque de dérapage de l’inflation à ce stade. Les dernières statistiques d’inflation publiées au mois d’août sont ressorties stables aux Etats-Unis et en légère hausse en zone euro. Ces chiffres d’inflation restent élevés, mais résultent de facteurs temporaires. A titre d’exemple, la forte hausse des prix des véhicules d’occasion, en raison d’un déficit d’offre faisant suite à des ruptures de production de véhicules neufs, explique une partie substantielle de la hausse des chiffres d’inflation US des derniers mois. Ce type de phénomène pourrait durer encore plusieurs mois, notamment du fait de difficultés d’approvisionnement sur certains composants ou de matières premières. En l’absence d’une surchauffe de l’économie, cette inflation élevée conserve ainsi un caractère transitoire et devrait progressivement se normaliser en 2022.
Convient-il dès lors de délaisser les obligations indexées inflation?
Bien au contraire. D’abord parce que les anticipations d’inflation (c’est-à-dire les projections des niveaux d’inflation futurs par les marchés) restent sur des niveaux attractifs, à la fois aux États-Unis et tout particulièrement en Europe. Par ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut, les statistiques d’inflation publiées resteront quant à elles sur des niveaux élevés pendant encore quelques mois. Nous ne voyons donc pas de risque de désancrage des anticipations d’inflation. C’est pourquoi nous pensons que les obligations indexées inflation pourront continuer à surperformer les obligations nominales dans les prochains mois et ont de ce fait pleinement leur place dans une allocation obligataire. Nous avons ainsi toujours des poches de linkers dans la majorité de nos fonds obligataires.
Achevé de rédiger le 31 août 2021