L’année 2021 aura été marquée par une reprise plus forte et plus rapide que prévu, un retour de l’inflation à des niveaux plus vus depuis plusieurs décennies, l’amorce de la normalisation des banques centrales, une pandémie persistante avec l’apparition régulière de nouveaux variants, des inquiétudes fortes sur l’avenir du modèle chinois...
Sur les marchés, cela s’est traduit par très bonnes performances sur les marchés actions des pays développés et par une remontée des taux en Europe et surtout aux Etats-Unis.
L’année n’a toutefois pas été linéaire sur les actions, ni en termes d’évolution, ni en termes de style mais les marchés actions se sont montrés particulièrement résilients portés à chaque fois par des publications de résultats supérieurs aux attentes. Certains marchés actions, comme le S&P 500 ou le CAC 40 ont même atteint des niveaux records.
Quant aux taux, il faut signaler que, malgré une plus forte volatilité, ils ont particulièrement bien résisté au cocktail croissance forte, inflation très élevée et début de normalisation des politiques monétaires.
Parmi tous ces éléments, de nombreux seront encore d’actualité en 2022.
En termes de pandémie, même si le dernier variant (Omicron) s’avère moins dangereux que ses précédents, il est, en revanche, à cause d’une contagiosité bien plus élevée que les autres, plus perturbant pour la gestion des hôpitaux et pour l’activité économique touchée cette fois encore par les restrictions d’activité et des pénuries de main d’œuvre consécutives des mises en quarantaine des cas contacts. La reprise de l’économie va continuer mais elle va donc une fois de plus être mise entre parenthèses dans de nombreux pays en ce début d’année, et l’amélioration dans les chaines d’approvisionnement risque d’être encore repoussée. Ce contexte vient compliquer la mission des banques centrales qui se doivent de commencer à normaliser leurs politiques monétaires dans cet environnement plus inflationniste.
L’évolution de l’inflation sera donc suivie de très près par les marchés. En dépit des pics d’inflation (7% aux US et 5.0% en Z€ en glissement annuel pour les derniers chiffres publiés) et l’abandon du caractère transitoire de ces tensions inflationnistes dans la communication de la FED, nous nous attendons néanmoins à une normalisation progressive à partir du second semestre 2022. Les anticipations d’inflation de long terme par les marchés restent par ailleurs toujours mesurées (autour de 2.5% aux US et 1.8% en Z€).
L’inflation et la réduction du soutien des banques centrales devrait donc rester le sujet principal de préoccupation en 2022. Dans le contexte actuel où les banques centrales savent que leur mission est de réduire progressivement leur soutien, tout en accompagnant la reprise dans un contexte de pandémie, le fait de commencer à normaliser les politiques monétaires n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, mais plutôt le signe qu’elles pensent que la croissance est suffisamment robuste aujourd’hui pour pouvoir le faire.
- Aux Etats Unis, la FED a des arguments solides pour commencer à réduire son soutien. La croissance est élevée, l’inflation est au-dessus de 2% depuis 5 ans. Même si l'inflation devrait rebaisser avec l'amélioration dans les chaînes d'approvisionnement, la FED estime néanmoins que le risque d'une inflation durablement plus élevée a augmenté et qu’une partie de la hausse des prix dépasse le simple effet de la pandémie. En effet, le marché de l’emploi est en nette amélioration et les tensions salariales sont indéniables. La FED se doit donc d’agir et c’est ce qu’elle fait. Les marchés ont d’ailleurs intégré sans trop de heurts dans leurs anticipations une fin du tapering et un démarrage consécutif de cycle haussier taux avec désormais entre 3 et 4 hausses attendues en 2022 et 3 hausses prévues en 2023. Le retrait progressif des soutiens monétaires est désormais acté, l’interrogation principale porte surtout sur la rapidité de ce retrait, et surtout le rythme de réduction du bilan de la FED. Elle n’attendra pas deux ans pour commencer à réduire son bilan comme lors du cycle précédent. Cet élément n’est pas encore bien intégré par les marchés aujourd’hui et risque de provoquer des remous. Néanmoins la FED gardera toute la souplesse nécessaire pour adapter sa politique monétaire en fonction du contexte économique, notamment sanitaire.
- En Zone euro, la BCE n’en est pas au même stade. Le programme d’achat se poursuivra, mais avec un volume d’achat réduit et un transfert partiel des achats du programme d’urgence pandémique PEPP (qui s’achèvera fin mars 2022) vers le programme traditionnel APP. Les marchés européens n’anticipent toujours pas de hausse des taux en et s’attendent à une hausse fin 2023. Les prévisions d’inflation de la BCE montrent qu’elle voit l’inflation repasser sous 2% en 2023 et 2024. La BCE doit donc logiquement conserver une politique monétaire accommodante et maintenir des conditions financières favorables.
L’évolution de la croissance Chinoise sera également à surveiller, plus particulièrement en cas de choc sur le secteur de la construction. La récente baisse des réserves obligatoires des banques et le desserrement des conditions de refinancement du secteur immobilier sont néanmoins des facteurs rassurants.
L’allocation
En synthèse, parmi les points positifs pour les actifs risqués, nous avons un niveau d’activité qui reste encore très élevé malgré le ralentissement actuel de l’économie mondiale, et qui est prêt à repartir dès les restrictions enlevées. Par ailleurs, nous avons des banques centrales conscientes du besoin de maintenir des conditions financières favorables pour accompagner la reprise et la transition écologique. Face à ces derniers, nous avons le risque sanitaire qui vient brouiller la visibilité sur les perspectives de croissance de l’économie, les bénéfices des entreprises et qui impacte le moral des investisseurs. Le risque d’une hausse imprévue des taux et des Banques Centrales trop restrictives suite à une inflation trop forte est également un facteur de risque.
Malgré la montée des incertitudes à court terme, la trajectoire des marchés actions reste selon nous haussière à moyen terme. Néanmoins, cela ne sera pas une longue marche tranquille. Nous démarrons l’année neutres sur les marchés actions Europe et US, sous-pondérés sur les émergents et sous-pondérés en sensibilité sur les poches obligataires. Dans le contexte actuel, les marchés actions resteront soutenus par le fait que sortir du marché boursier signifie souvent réinvestir dans des placements à rendement réel négatif, et qu’il faut rester investis en actions, les conserver et profiter des corrections. Les effets de l’absence d’alternative (TINA "There Is No Alternative”), la peur de rater les dernières progressions (FOMO "Fear of Missing Out”) et le "Buy The Dip” devraient continuer.
Marchés Actions
Après une hausse globalement supérieure à +20% en 2021, malgré la déception des marchés émergents et la faible reprise du marché Japonais, ces trois effets ont contribué à pousser toujours plus haut les gagnants. Apple passe les 3000 milliards de dollar de capitalisation boursière, Tesla les 1000 milliards...
En 2021 cependant beaucoup de choses ont changé et profilent la grille de lecture 2022.
- Les sociétés cotées n’ont pas beaucoup changé intrinsèquement en moyenne, avec des bonnes structures financières, des marges en hausse, mais elles évoluent dans un contexte incertain, en plus de la situation sanitaire endémique, dont quelques éléments sont déjà identifiés à défaut d’être bien quantifiés en amplitude et en séquence :
- Les conséquences du Covid impactent les chaines d’approvisionnement et créent des pénuries qui se traduisent par des hausses de prix ou de l’indisponibilité. Parfois les solutions alternatives peuvent rejaillir sur la qualité des produits ;
- Les prix de l’énergie ont bondi de +70% ;
- La hausse des couts de production est quasi certaine et si les marges restent stables c’est que les prix de vente auront bougé... toutes les sociétés ne sont ou ne seront pas en mesure de les passer...
En termes de dynamique de marché cela signifie que les impacts exogènes positifs massifs que l’on a connus en 2020 et 2021 ne seront plus en soutien. C’est donc sur la qualité intrinsèque des sociétés qu’il faudra compter. Cela laisse beaucoup de potentiel car l’année 2021 a été performante globalement mais avec beaucoup de différenciation. L’indice phare américain a progressé de +25%, tout comme l’emblématique indice technologique, en revanche les valeurs moyennes se sont octroyé +8.5%. Si le CAC a fait près de +27% les petites valeurs françaises ont fait 10% de moins. Au niveau sectoriel les écarts sont tout aussi impressionnants. L’automobile, la technologie ou les banques ont dépassé les +30% quand les transports ou services publics sont restés en dessous de 5%.
Le fait qu’il n’y ait pas d’alternative crée le risque de demain, mais les investisseurs contraints ont marqué leurs choix avec réalisme et n’ont pas acheté sans discernement. Les valorisations des vedettes technologiques seront bien sûr testées sur leurs résultats mais d’autres secteurs, et surtout d’autres sociétés vont émerger. La vague sans précédent de fusions acquisitions et les nouvelles arrivées sur le marché (IPOs) qui ont enrichi les cotes favorisent un espace d’arbitrage renouvelé. Si la qualité des sociétés cotées ne s’est pas dégradée, fait unique après une crise, en revanche les transformations profondes de leurs activités et de leur comportement responsable méritent une attention particulière et la mise en perspective de leurs trajectoires. La qualité de la sélection sera récompensée.
Marchés obligataires
Nous adoptons toujours un positionnement avec une sous exposition en sensibilité. Nous pensons en effet qu’il reste un potentiel haussier taux à court terme, malgré le mouvement récent de tension des taux longs, même s’il est désormais plus limité. Nous maintenons des poches d’obligations indexées inflation (principalement dans une logique de hausse des taux qui serait induite par une hausse des anticipations d’inflation), que nous pourrions être amenés à renforcer dans les prochaines semaines. Nous pensons que le mouvement de pentification des courbes de taux pourrait se poursuivre à court terme, ce qui nous amène à maintenir des positions de pentifications dans les portefeuilles en ce début d’année. Les obligations périphériques européennes conservent - sur des durations courtes et intermédiaires uniquement- un couple rendement / risque et un portage attractifs. Cela reste également valable sur le crédit, en privilégiant les notations A sur l’IG et BB sur le High Yield. Ces segments de notation devraient en effet mieux se comporter en cas de décompression des primes de risque crédit. Nous privilégions là aussi les maturités courtes à intermédiaires (qui résisteraient mieux dans une configuration de pentification des courbes de crédit), en particulier dans un contexte de normalisation monétaire et de volumes de fusions acquisitions attendus en hausse en Europe cette année. Enfin, nous conservons toujours un positionnement défensif sur nos expositions en dettes émergentes.
Achevé de rédiger le 14 janvier 2022