Le protocole de Kyoto, signé en 1997 (COP 3) par 183 pays sur les 193 États membres de l’ONU, entré en vigueur en 2005, est le point de départ des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle du Monde. Il est à l’origine du lancement en Europe, également en 2005, du système d’achat et d’échange de quotas d’émissions de CO2 (EU ETS). Ainsi, les entreprises européennes participant à ce système (les centrales électriques et les industries grandes consommatrices d’énergie) sont dans l’obligation d’acheter, via des enchères ou sur les marchés libres, de plus en plus de certificats par rapport au nombre de tonnes de CO2 qu’elles émettent chaque année. Ce système, basé sur le concept de pollueur-payeur, est la pierre angulaire et le principal outil de la politique de l’Union Européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Les pays qui ont récemment adopté des objectifs d’émissions de CO2 nettes zéro en 2050 ou 2060 (Europe, Royaume-Uni, Chine) ont mis en œuvre des systèmes dans l’esprit de l’EU ETS. Néanmoins, le prix des certificats de CO2 est très hétérogène : Oregon et Massachusetts (USA – pas d’ETS au niveau Fédéral) 6$/tonne, Chine 7$/tonne, Europe 62€/tonne (73$) et Royaume-Uni 100$/tonne.
Un tel écart induit une distorsion de concurrence entre les entreprises d’un même secteur (notamment s’il est structurellement exportateur), certaines devant intégrer un surcoût carbone plus élevé que d’autres. Par exemple, les importations d’aluminium chinois en Europe.
Afin d’homogénéiser ce surcoût carbone entre les différents pays et continents, de conserver son leadership en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de protéger ses industries, l’Europe envisage d’aller plus loin à travers la mise en place du Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM).
Cette proposition fait partie du paquet Fit for 55, un pilier de l’objectif de neutralité carbone en 2050 (loi du 14/07/2021) et vise à établir un péage carbone à la frontière de l’Europe. Concrètement, le CBAM serait imposé aux importations des secteurs de la sidérurgie, de l’aluminium, du ciment, des engrais et de l’électricité, dans une première phase de transition lancée progressivement à partir de 2023. Le mécanisme pourrait être étendu à d'autres secteurs après la mise en œuvre complète en 2026. Les importateurs seraient ainsi taxés sur leurs émissions de carbone, sur la base du prix du certificat en UE (soit actuellement 62 €/tonne). La Commission Européenne s'attend à lever environ 10 milliards d'euros par an grâce au CBAM, pour financer des investissements en faveur du climat.
Un tel nivellement international par le haut du coût du carbone devrait avoir plusieurs effets :
- Accélérer la décarbonation multilatérale, en renforçant la nécessité de mettre en œuvre de réelles ambitions climatiques, notamment dans les pays exportateurs en retard dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Dans cette perspective, le projet de CBAM constitue un « game changer » planétaire.
- Soulever des critiques internationales, notamment des États-Unis, la Chine, l’Australie et la Russie, et probablement l’Organisation Mondiale du Commerce. Les négociations de l’UE avec ses partenaires risquent ainsi d’être longues et difficiles.
Pourtant, la trajectoire que le CBAM vise à diffuser à la planète parait inévitable. Comme le souligne l’IEA dans son rapport Net Zero by 2050 (mai 2021), un prix du CO2/tonne de 75$ en 2025 (quasiment atteint en Europe le 8 septembre 2021), 130$ en 2030, 205$ en 2040 et 250$ en 2050 serait nécessaire dans les économies avancées pour atteindre l’objectif net zéro en 2050 et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
L’enjeux socio-politique résidera dans la capacité des pays à absorber et redistribuer auprès des populations démunies ce surcoût gigantesque, chiffré par l’IEA à 700 Mds$ par an entre 2030 et 2035 pour les dépenses énergétiques.
Un thème vraisemblablement au cœur de la COP 26.
Achevé de rédiger le 13 septembre 2021