Dans son dernier programme d’engagement actionnarial, la Fondation suisse Ethos (220 institutions) a communiqué sur 6 principes en matière de déforestation, consciente que ce thème est devenu majeur en termes d’investissement responsable. L’objectif est bien de sensibiliser les entreprises à accroître leur valeur ajoutée pour les autres parties prenantes mais sans détériorer le capital naturel de la planète :
- Établir une politique interdisant la déforestation
- S’engager à établir une traçabilité complète de la chaîne d’approvisionnement
- Adopter un système de contrôle et de vérification incluant un mécanisme de grief
- Engager le dialogue avec les parties prenantes et promouvoir l’éradication de la déforestation
- Encourager la certification volontaire de la durabilité
- Publier un rapport sur la mise en œuvre de la politique et l’engagement de traçabilité
Si les forêts représentent l’espace de vie d’environ 80% de la biodiversité terrestre indispensable aux espèces animales et végétales, seulement 1 Md d’hectares (sur 4,06 Mds au total - Source FAO, Food & Agriculture Organization of UN) est recouvert par les forêts primaires, sources de biodiversité. La déforestation s’est établie à 10 millions d’hectares par an en moyenne entre 2015 et 2020 et principalement dans les zones tropicales.
Rappelons que les forêts absorbent par photosynthèse le carbone (CO2) plus qu’elles n’émettent et constituent ainsi un puits net de 7,8 GT CO2/an (Source : N. Harris et al., « Global Maps of Twenty-First Century Forest Carbon Fluxes », Nature Climate Change). Malheureusement les émissions anthropiques annuelles d’origine fossile ont été pour leur part estimées en 2020 à 34,4 GT CO2.
Si l’expansion agricole est identifiée comme étant le principal facteur à 80% de la déforestation globale, le rôle des entreprises privées transnationales est croissant. Les politiques publiques quant à elles n’ont pas encore apportées de réelles solutions, la plantation d’arbres se concentrant sur la monoculture présentant de faibles potentiels de séquestration de carbone surtout destinés à masquer la destruction continue du capital naturel.
Selon une étude de l’IFRI sur la géopolitique des forêts du monde, les investissements fonciers des grandes firmes agroalimentaires ont une forte responsabilité sur la déforestation, en particulier en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est. En France, des associations représentatives des peuples autochtones du Brésil et de Colombie assignent l’un de nos principaux groupes de distribution pour son implication dans la déforestation, afin « de prendre les mesures nécessaires pour exclure le bœuf issu de la déforestation et de l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement » dans le cadre de son Devoir de Vigilance encadré par la loi française (IE n° 329). Les organisations demandent également plus de trois millions d’euros au groupe en compensation des dommages subis par les indigènes. Le distributeur s'est engagé à "renforcer [ses] actions et politiques, en lien avec toutes les parties prenantes constructives, pour lutter contre les risques de déforestation" mais la pression de la concurrence, notamment chinoise caractérisée par une absence de bienveillance sur les territoires, complique les règles commerciales bien évidemment. En effet, la Chine, qui défend des principes de non-ingérence, exerce une influence majeure sur l’évolution des forêts du monde à travers son commerce mais aussi les investissements massifs dans les infrastructures des Nouvelles routes de la soie par exemple.
Nous retiendrons que s’il est difficile de définir ce qu’est une forêt et du seuil à partir duquel on peut qualifier la déforestation, les jalons d’un régime international semblent se dessiner (sécurité foncière et politique de rémunération des ruraux, évolution des habitudes de consommation...). Espérons que cela ne soit pas à travers la compensation carbone recherchée par les grandes sociétés émettrices de gaz à effet de serre.
Achevé de rédiger le 27 septembre 2021