La recherche de l’impact positif
Crédit Mutuel AM prend le virage de la gestion ‘à impact’ en 2022 et crée son pôle de gestion ‘Impact First’. Sa mission est de définir et mettre en place une nouvelle activité de gestion ayant l’impact positif –environnemental, social ou sociétal– pour objectif principal, tout en recherchant une performance financière.
Il ne s’agit donc pas d’une démarche philanthropique, qui verrait la performance financière être ignorée au bénéfice du seul impact positif. Plus commune sur le périmètre des actifs réels (il existe de nombreux fonds de capital ou de dette privés positionnés sur ce segment), la mise en œuvre d’une telle démarche sur le périmètre des actifs cotés est plus récente et porteuse d’innovations, tant dans le cadre analytique et les outils déployés que dans la mesure des résultats et la transparence attendue.
Au-delà de la recherche d’un impact positif via les investissements réalisés, ce type de démarche est donc disruptif, dans la mesure où il vise à faire évoluer les modèles économiques traditionnels et à ajouter le prisme de la contribution positive à l’activité financière.
Les trois principes fondamentaux
Un consensus de place s’est formé autour de trois piliers complémentaires de l’investissement à impact, notamment formalisé par l’Institut de la Finance Durable (IFD), le Forum de l’Investissement Responsable (FIR) en collaboration avec France Invest et le Global Impact Investing Network (GIIN).
Ces trois piliers doivent impérativement être déclinés de concert dans le cadre de l’investissement à impact :
- L’intentionnalité, ou la volonté de l’investisseur de générer un bénéfice social ou environnemental mesurable en même temps qu’un retour financier1. Il s’agit ici de définir en amont l’intention que l’investisseur souhaite avoir au travers du déploiement de sa stratégie d’investissement. L’approche s’articule principalement autour des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies (ODD) et d’une démarche clairement explicitée en amont (thèse d’impact).
- L’additionnalité, c’est à dire la « contribution particulière et directe de l’investisseur permettant à l’entreprise investie ou au projet financé d’accroître l’impact net positif généré par ses activités »2s/sup>. On s’assure ici de la valeur ajoutée de l’investisseur sur le long terme, notamment via des mécanismes qualitatifs tels que l’engagement actionnarial auprès des émetteurs en portefeuille et la participation à des initiatives de place dédiées
- La mesure, la capacité de l’investisseur à mesurer son impact extra-financier et de rendre compte de l’atteinte des objectifs affichés en amont. Il s’agit d’être transparent sur « l’évaluation des externalités sociales et/ou environnementales des investissements, à l’aune des objectifs d’impact intentionnellement poursuivis par l’investisseur »3
Tous les produits financiers proposés par la franchise Impact First sont développés et gérés selon ce cadre méthodologique. Chacun voit sa thèse d’impact définie en amont, se traduisant par une politique d’investissement propre et adaptée. Les résultats escomptés sont donc différents d’un produit à l’autre, les moyens et outils utilisés restent les mêmes.
Quelques limites, de nombreuses opportunités
Alors que le référentiel et les canons de l’investissement à impact se construisent peu à peu, notamment par consensus de place, des limites méthodologiques et pratiques subsistent.
Malgré la recherche constante d’indicateurs quantitatifs pertinents, il n’existe pas aujourd’hui de métrique unique de la mesure de la performance d’impact. Elle serait pourtant bien pratique : on pourrait alors simplement comparer la performance financière d’un fonds à sa performance d’impact. Mais est-elle pour autant désirable, si on cherche justement à faire les choses autrement, à faire bouger les lignes ?
L’avantage majeur de cette jeunesse est la capacité d’innovation et de créativité qu’elle permet ; grâce à l’impact, les offres de gestion se voient renouvelées et des produits financiers aux attributs nouveaux se créent. L’investisseur à impact peut donc agir sur des leviers communs, tout en restant relativement libre pour le moment de l’expression qu’il souhaite leur donner.
Sur ce terrain d’incertitudes et d’opportunités, les prestataires de données extra-financières se positionnent et affinent leur offre. Ils développent aujourd’hui des solutions permettant une évaluation chiffrée (souvent sous la forme d’un score d’impact) de la contribution d’impact des sociétés et émetteurs, notamment en se basant sur la part des produits et services alignée sur un ou plusieurs ODD. Si ce type de données permet assurément de guider la recherche d’investissement à impact et peut adéquatement enrichir le travail du gérant, il apparaît difficile d’objectiver un tel score d’impact sur un portefeuille. L’investisseur à impact poursuit d’abord des résultats et des progrès tangibles sur le terrain.
La mesure d’impact est sans doute le chantier le plus important de l’investissement à impact. La recherche de données quantitatives, couplée à une approche qualitative d’engagement et de transparence, signifie que les moyens humains et techniques à déployer dans le cadre d’une démarche d’impact surpassent ceux communément observés dans d’autres approches, allant bien au-delà des besoins et moyens alloués à l’intégration des considérations ESG dans la gestion, déjà considérables.
Signe d’une gestion de conviction, la gestion à impact prend progressivement ses quartiers dans les sociétés de gestion. Nul doute qu’avec le temps, la boîte à outils de l’investisseur à impact viendra aussi enrichir les pratiques déjà existantes, pour faire de l’impact et sa mesure une nouvelle boussole de gestion.