Le 5 octobre dernier, le CEO de Walmart, connu pour son franc‑parler, alertait le marché sur la constatation « d’une légère baisse de volumes alimentaires des clients sous traitement anti‑obésité ». Le groupe disposant des données croisées de son réseau de pharmacies et surfaces alimentaires, la sanction boursière sur les géants américains de l’agroalimentaire a été immédiate.
Autorisé depuis 2021 aux US pour le traitement de l’anti‑obésité, le Wegovy de Novonordisk sera rejoint par le Mounjaro de Lilly. Comptant 2 millions de patients obèses (Indice de Masse Corporelle, IMC, supérieur à 27 et 30) sous traitement médical, les US pourraient voir cette proportion augmenter à 15 millions d’Américains d’ici 2030. Le marché de l’anti‑obésité représenterait un marché estimable compris entre 50 et 100 Mrd de $. La situation est critique : d’ici 2035 c’est bien la majorité de la population américaine qui sera considérée comme obèse suivie de près par le Canada (49 %) et le Mexique (47 %)1. Au niveau mondial, le traitement de l’obésité menace de devenir aussi onéreux que la prise en charge du Covid 19 soit près de 3 % du PIB mondial 2...
Champion de la communication, Pepsi, le roi des chips et boissons sucrées se veut rassurant, ses ventes du T3 ne montrant aucun impact. Prudent et proactif, Nestlé estime que le sentiment de satiété provoqué par ces médicaments impactera principalement ses ventes de surgelés et de crèmes glacées (soit 15 % du CA) sans se prononcer toutefois sur les dosettes de café.
Les titres de la Medtech ont connu une sanction analogue : Dexcom (‑26 %) qui conçoit des moniteurs de suivi de glucose dans le sang, les investisseurs révisant sévèrement son potentiel de croissance auprès des patients du diabète de type II. Pourtant si sa valorisation reste élevée en raison de sa capacité d’innovation, des entretiens avec des professionnels de la santé montrent que le suivi du glucose dans le sang reste une nécessité pour une majorité de patients de pré‑diabète ou diabète de type II.
Alors Intox ou Detox, ces traitements mettront‑ils à la diète nos paniers alimentaires ?
La publication de l’étude Select de Novo Nordisk le 8 août dernier attestant d’une réduction de 20 % des risques cardiaques et d’une perte de poids de 15 % avait déjà créé un premier embrasement : haussier pour les titres Lilly (+ 22 %3) et Novo (+ 27 %3), négatif pour la Medtech US (‑ 7,8 %), et le secteur des boissons & alimentaire (‑ 11,6 %). Ces dernières subissant déjà l’effet négatif des taux d’intérêt élevés et les inquiétudes sur la santé financière du consommateur.
Encore une fois, le marché a tranché sans distinguo. Le profil type du foyer américain concerné est celui de classe moyenne supérieure (50/100 kMrd de revenu annuel), le traitement restant non remboursé aux US et onéreux (10 000 $/an). Typiquement, les observations récentes montrent que les membres de cette catégorie prêtent déjà attention à leur consommation de calories, de sucre et de sodium. Peu consommateur de chips, il achète des boissons à basse calories, des bars‑salades et aliments protéinés...
A partir de mai prochain, les patients concernés compteront un an de traitement et il sera alors possible, données en main, de mesurer l’évolution de leur comportement. Déjà, les groupes alimentaires accélèrent la révision des ingrédients de leurs produits ce qui peut aussi produire des effets bénéfiques pour des entreprises d’ingrédients. D’autres paramètres entrent en ligne de compte : coût du traitement, usage (injection hebdomadaire actuellement), adhérence du patient à la fin de sa période de traitement initiale, et surtout possibilité ou non pour les entreprises et compagnies d’assurance santé d’offrir une couverture aux salariés adhérents. Aux US, les parties prenantes en sont encore à la phase d’étude, la production des médicaments anti‑obésité étant encore inférieure à la demande. La prise en charge dans le cadre du programme Medicare sera soumise à un vote législatif.
Si le yoyo s’est fortement détendu sur les valorisations des secteurs pré‑mentionnés, le diable se cache dans les détails, donnant lieu à des opportunités. En attendant les prochaines données cliniques d’Eli Lilly et panels Nielsen, prenez soin de vous et des mets que vous servirez à vos convives à Noël...
Achevé de rédiger le 2 novembre 2023