Instant clé de la vie politique en Chine, l’ouverture de la session annuelle du parlement fait l’objet cette année de toutes les attentions. Avec près de 3000 délégués rassemblés, elle marque l’investiture de Xi Jinping dans ses fonctions de Président pour un troisième mandat consécutif et donne l’occasion aux nouveaux hommes forts du régime d’intervenir. Parmi eux, Li Qiang, numéro deux du gouvernement et principal artisan de la réouverture et abandon de la politique zéro‑Covid mais aussi Qin Gang ministre des affaires étrangères. Réputée « cité interdite » pour les investisseurs étrangers ces dernières années, la Chine est‑elle à nouveau investissable ou n’est‑ce là qu’une simple révolution de palais ?
Dans son dernier discours officiel, le premier ministre sortant Li Keqiang a égrainé des prévisions économiques 2023 qu’il appartiendra à la nouvelle équipe en place d’amender : croissance autour de 5 %, inflation à 3 %, déficit budgétaire de 3 %...1 Le principal mérite de ces chiffres est de rappeler combien dans un monde caractérisé par une surchauffe de l’inflation et une panne de croissance, la trajectoire de l’économie mondiale en 2023 dépend de la Chine. Sur la scène politique internationale, l’annonce de la hausse du budget de la défense de + 7 %1 et les mises en garde de Qin Gang envers les US et l’Occident sur leur « politique d’endiguement » de la Chine se veulent démonstration de force. Nouvelle escarmouche qui après l’affaire des ballons montre qu’entre les élections attendues aux US et à Taiwan en 2024, le temps de l’apaisement n’est pas encore venu.
L’exercice intervient à un moment de reprise en main du pouvoir par Xi Jinping sur le plan intérieur. Les nominations de ses fidèles à des postes de haut niveau au sein du gouvernement sont la marque d’une plus forte influence du gouvernement vis‑à‑vis du parti. Particulièrement pour les portefeuilles de la finance et de la technologie. Par ailleurs en optant pour des mesures de relance ciblées, le gouvernement rompt avec les pratiques de relance massives du passé dont la présente crise immobilière rappelle les dérives. Si le pragmatisme semble prévaloir, les ambitions du gouvernement apparaissent en filigrane.
Plus complexe que jamais, la Chine offre aux investisseurs de nombreuses facettes dont celles d’un besoin critique de création d’emplois pour les nouveaux urbains et les plus jeunes Après deux années de confinement, jeunesse et classe moyenne aspirent à sociabiliser, revivre et c’est bien sûr la reprise de la consommation pour tous que Pékin entend assoir son programme de prospérité commune.
Favorisée par une accumulation d’épargne sans précédent (la sur‑épargne due au Covid représente environ 8 % du PIB)2 , la consommation pourrait dépasser les + 9 % en 2023 et contribuer pour les 2/3 à la croissance du PIB chinois. Vigoureuse, cette reprise n’en sera pas moins heurtée, faite de phases de respiration et d’accélération avec des divergences fortes selon les différentes catégories de biens et services. Protéiforme, s’inscrivant dans le temps, elle diffère des phases de frénésies d’achats observées durant les mois de réouverture des années Covid offrant ainsi différentes opportunités d’investissement aux investisseurs avertis.
Phase de réouverture intérieure : Surperformance des catégories discrétionnaires liées à la socialisation : restaurants, voyages domestiques, cosmétiques (maquillage). En première ligne des bénéficiaires les maisons de luxe européennes mais aussi Yum China, Starbucks ou liqueurs haut de gamme (Baijiu).
Phase de réouverture de la Chine vers l’extérieur : catégories liées aux voyages internationaux comme les cosmétiques d’Estée Lauder ou L’Oréal, China Duty Free, les hôtels ou encore les transports...
Phase de pérennisation de la reprise de la consommation au‑delà de 2023. Pour Pékin, la reprise de l’emploi des plus jeunes et la stabilisation de l’immobilier sont les conditions indispensables à remplir afin d’auto‑entretenir la dynamique. Elargir la propension à dépenser des classe moyennes moins aisées et stimuler l’acquisition de biens & services de consommation durable constituent des étapes importantes. Les services tels les produits d’assurance, services financiers, articles bruns3 et les marques domestiques bon marché en profiteront. Des marques de sport occidentales et domestiques tout comme le segment de l’électroménager, équipement de la maison ou véhicules électriques offrent également des opportunités.
Enfin l’évolution récente des chiffres du e‑commerce en Corée plaide également en faveur des géants de l’internet chinois comme JD.com, Meituan ou Alibaba. Cette dernière bénéficiant en outre d’un modèle de distribution hybride qui lui permet de jongler avec les préférences changeantes des consommateurs...
Achevé de rédiger le 9 mars 2023