Italie et inflation : deux thématiques importantes pour les marchés de taux
L’Italie fait face à une nouvelle crise politique. Quels sont les derniers éléments ?
La défection de M. Renzi et de son parti Italia Viva ont fragilisé le gouvernement de G. Conte ainsi que la coalition de centre gauche et d’extrême gauche au pouvoir depuis plus d’un an. Le président du conseil a d’abord sollicité un vote de confiance au parlement et au sénat, mais n’ayant pas réussi à fédérer une majorité franche, G. Conte a finalement présenté sa démission. Le chef d’Etat italien, Sergio Matarella a alors appelé l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, pour former un nouveau gouvernement technique. Malgré l’incertitude politique, les primes de risque des obligations italiennes ne se sont que légèrement écartées avant de se resserrer de manière importante.
Comment expliquez-vous que les taux italiens ne se soient pas tendus davantage ?
D’abord parce que le retour aux urnes pour des élections anticipées n’est pas le scénario le plus probable. Ensuite, les partis d’extrême droite (Ligue du Nord et Frères d’Italie) ou d’extrême gauche (Mouvement 5 Etoiles) sont aujourd’hui crédités plus faiblement dans les sondages que par le passé et ils ne semblent plus enclins à agiter le spectre d’une sortie de la zone euro, dans un contexte de situations sanitaire, économique et budgétaire fragilisées. Tout cela limite donc à ce stade le sentiment d’aversion pour le risque italien, à plus forte raison dans un environnement de taux bas, où les rendements offerts par les obligations italiennes restent relativement attractifs. À titre d’exemple, le rendement d’une obligation souveraine italienne à 10 ans offre un surplus de rendement de plus 1% par rapport à son équivalente allemande de même maturité. Ensuite, les achats de la BCE et sa flexibilité dans le cadre de son programme d’achat pandémique PEPP constituent des facteurs de rappel puissant à tout écartement significatif de spread.
Que pensez-vous de la thématique de l’inflation en ce début d’année?
La victoire de J. Biden et un congrès à majorité démocrate nourrissent l’espoir d’un plan de relance économique ambitieux aux Etats Unis. Le projet d’un stimulus budgétaire supplémentaire de 1 900 mds $ a par ailleurs été annoncé dès début janvier. Il est donc légitime de s’interroger sur l’effet reflationiste de ce programme et son impact sur les marchés financiers. Nous savons par ailleurs que les chiffres d’inflation devraient rebondir dans les prochains mois, aux Etats Unis mais également en Europe.
Cela signifie-t-il qu’il faut s’attendre à une hausse de l’inflation ?
D’abord, l’impact reflationiste sera plus marqué aux Etats Unis et affecte donc davantage les taux américains. Cela explique en partie pourquoi le rendement des obligations souveraines à 10 ans s’est tendu de près de 0.30% en deux mois alors que le taux 10 ans allemand n’a progressé que de 0.10% sur la même période. Ensuite, la faible majorité démocrate au congrès limitera probablement la capacité de J. Biden à passer un programme de relance de grande ampleur. Par ailleurs, les chiffres d’inflation des prochains mois seront certes importants (ils pourraient avoisiner les 3% aux Etats Unis) mais ce rebond aura probablement un caractère transitoire, comme l’a répété M. Powell lors de la dernière réunion de la FED. Les facteurs techniques explicatifs de ce rebond devraient se dissiper peu à peu, tandis que l’inflation dite « sous-jacente » (excluant les éléments les plus volatils comme l’énergie et les matières premières) mettra probablement plus de temps à se redresser. Enfin, en observant les anticipations d’inflation (c’est-à-dire celles qui sont intégrées dans les prix des obligations indexées inflation), on remarque que ces anticipations sont déjà revenues sur les niveaux pré-covid en Europe et qu’elles les ont déjà dépassé aux Etats Unis. Autrement dit, les marchés de taux intègrent déjà une hausse substantielle des niveaux d’inflation. Il n’est cependant pas impossible que cette hausse se poursuive pendant quelques mois. La pérennité de cette hausse restera cependant à confirmer.
Achevé de rédiger le 04/02/2021